2024, l’année de la vérité pour le commerce de détail
Franchises, faillites, cessions, rachats… le secteur du commerce et de la distribution clôt une année 2023 particulièrement difficile. Néanmoins, l’année 2024 s’annonce encore plus compliquée.
Que réserve 2024 au secteur du commerce et de la grande distribution après une année 2023 socialement chaude? Dès les premiers jours de 2023, on a vécu au rythme des faillites, des quêtes de repreneurs ou des réorganisations d’acteurs tels que Makro, Delhaize, Dreamland, Inno…
Selon Stabel, la Belgique a enregistré entre janvier et novembre 9.326 faillites (+10,2%), dont 1.901 (+2,4%) dans le commerce. Néanmoins, côté emplois, plus de 5.870 emplois (+45%) ont disparu dans l’unique secteur du commerce. Certes, l’année a débuté avec la faillite de Makro qui a laissé plus de 1.400 salariés sur le carreau. Et 2024 ne s’annonce pas une année plus calme.
Back to reality
Makro, Dreamland, Inno, Louis Delhaize, Delhaize… y a-t-il un point commun aux déboires de ces enseignes? Pierre-Alexandre Billiet, chargé de cours à Solvay Business School, affirme que le retail a tout simplement été rattrapé par la réalité.
Là où on s’attendait dès 2019 à un effondrement des volumes et de la valeur d’entreprise, le retail a été sauvé par la pandémie. Mais en 2023, ces fondamentaux ont refait surface.
Pour 2024, Gino Van Ossel, spécialiste retail à la Vlerick School, note outre les défis temporaires (l’inflation, l’indexation, les prix énergétiques, un consommateur plus attentif aux dépenses), des défis structurels. « McKinsey entrevoit à l’horizon 2030 des investissements dans la durabilité et le numérique qui devraient être 25 à 50% plus élevés qu’aujourd’hui. »
Concrètement, les investissements nécessaires dans la durabilité sont estimés à quelque 3% du chiffre d’affaires au cours des 6 prochaines années. Cela veut dire que dans un marché déjà sous pression, il faudra accroître les marges de 2 à 3,5% et octroyer l’ensemble des bénéfices à la transition énergétique.
L’avenir de Colruyt
« Le secteur de la distribution paie aujourd’hui le prix des non-décisions des années 2000 sur des tendances telles que la durabilité ou la santé qu’on voyait émerger », explique Pierre-Alexandre Billiet.
L’année 2024 est, selon lui, la dernière chance de monter dans le train de la transition « durable ». Après, il sera trop tard.
Si la distribution rate le coche, trois scénarios s’imposeront: à moyen terme, les entreprises seront taxées; des taxes qui, avec des marges moyennes de 1,2% en Belgique, ne pourront pas être payées très longtemps.
Un soutien sectoriel pourrait être envisagé. Mais dans un secteur fracturé entre des acteurs locaux et internationaux avec des fournisseurs peu enclins au soutien, tout modèle de financement s’avère compliqué.
Enfin, sans prise de décision, la Belgique deviendrait un marché de consommation avec la délocalisation à l’étranger de la production, de la logistique et des centres décisionnels.
Colruyt pourrait ainsi décider de gérer l’opérationnel depuis l’étrangerà cause du peu de considération économique du gouvernement par rapport à la compétitivité locale de l’agroalimentaire ou par obligation de suivre le jeu des acteurs internationaux. Ce serait, selon Pierre-Alexandre Billiet, littéralement le point de non-retour.
« Big is beautiful »
« Dans la grande distribution, l’année 2024 sera l’année de la vérité », prédit aussi Van Ossel au regard de la débâcle de Delhaize en 2023.
L’année a été bonne pour Carrefour et Colruyt. Reste à voir si les deux groupes ont vraiment mis les bouchées doubles ou s’ils ont profité des déboires de Delhaize, qui espère bien en 2024 bénéficier de coûts réduits et d’un retour du dynamisme commercial.
« La consolidation va se poursuivre et le big is beautiful, comme en finance, sera la seule façon de compenser les baisses de volumes », ajoute Billiet. Il voit poindre une nouvelle « bataille de Waterloo » au sein des franchisés (particulièrement flamands) entre la gestion flexible de Carrefour et la gestion plus rigide d’AholdDelhaize.
L’e-commerce tout au plus stable
Le non alimentaire a mieux résisté. Néanmoins, le retour à la normaleattendu après les années covid n’a pas eu lieu. « Le Belge a toujours peur de dépenser pour des produits matériels dans un contexte inflationniste et géopolitique et s’est limité aux achats évasions (concerts, voyages). »
Gino Van Ossel note qu’après une croissance exponentielle, l’e-commerce affiche une décélération de la croissance.
Si 2024 reste sous le signe des incertitudes (L’Ukraine, Israël, le retour de Trump à la Maison-Blanche, les élections belges…), un retour à la stabilité du pouvoir d’achat dans l’inconscient collectif pourrait marquer le retour des achats matériels.
Gino Van Ossel note aussi qu’après une croissance exponentielle, l’e-commerce affiche une décélération de la croissance. L’e-commerce semble aujourd’hui porté par le secteur des services.
Offre durable
Enfin, la durabilité sera aussi une façon de se démarquer comme Vanden Borre (groupe Fnac Darty) qui joue la carte de la réparabilité (comme obligé en France).
Prochaines étapes? S’attaquer à la fast-fashion, à une construction plus durable et son impact sur les magasins de bricolage ou promouvoir le reconditionnement certifié.
Source: L’Echo
Date : 29 Décembre 2023
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