Une ASBL en tandem avec la justice pour aider les indépendants en détresse

Tous les trois jours en Belgique, un entrepreneur met fin à ses jours. L’ASBL « Un pass dans l’impasse » s’allie avec le tribunal de l’entreprise de Bruxelles pour augmenter la prévention de la détresse chez les indépendants.

Il s’agit d’un non-dit, d’un non-formulé qui se niche derrière les rêves de prospérité et de succès des entrepreneurs belges: les soucis de santé mentale, la peur de l’échec et, au bout du compte, chez certains, l’irréparable. Selon plusieurs études publiées ces dernières années, les entrepreneurs et indépendants sont considérés comme plus susceptibles d’en finir avec la vie. Ainsi, en 2020, 116 entrepreneurs ont mis fin à leurs jours en Belgique, soit près d’un décès tous les trois jours. Et selon l’Inami, les cas de dépression et de burn-out chez les indépendants ont grimpé de 59% entre 2016 et 2021, bien plus vite que chez les salariés.

À Bruxelles, le tribunal de l’entreprise francophone a déjà alerté: la situation économique se dégrade. Depuis le début de l’année, on compte environ 80 faillites par semaine. Le nombre de procédures en réorganisation judiciaire grimpe en flèche: plus de 200 signées en 2024 – c’est déjà énorme – et, si l’on garde le même rythme que depuis le début de l’année, plus de 250 fin 2025.

« L’économie bruxelloise se dégrade de manière significative depuis plusieurs années du fait de chocs répétés, et les problèmes financiers causent souvent une détresse psychologique chez les entrepreneurs », alerte Pierre-Yves de Harven, président de la chambre des entreprises en difficulté, et qui se rappelle qu’une gérante d’entreprise bruxelloise, qui souffrait de troubles mentaux, s’est donné la mort récemment, laissant derrière elle une fille mineure.

« Sauver des vies »

« Le rôle du juge, du juge consulaire et du curateur est profondément humain, nous avons pour devoir d’être, pour les entrepreneurs, une présence attentive« , a-t-il insisté devant plusieurs dizaines de juges consulaires, réunis ce mardi pour un point d’information sur la santé mentale des entrepreneurs.

La réunion a vu l’intervention de représentants d »Un pass dans l’impasse », une ASBL qui « fait de la prévention en santé mentale pour les entrepreneurs, à la recherche de « sentinelles » parmi les juges consulaires, afin que ceux-ci leur envoient des entrepreneurs en détresse devant les difficultés connues par leur société, et ainsi « sauver des vies ».

Un pass dans l’impasse suit ainsi 2.650 entrepreneurs et dispose de 1.100 sentinelles à Bruxelles et en Wallonie, chargées de « repérer des signaux » chez les patrons en détresse. Lesquels? « Ne pas répondre aux mails, ne pas venir aux rendez-vous, tenir un discours de désespoir, être irritable. Souvent, un entrepreneur ne fait qu’un avec son travail », observe Marine Perect, psychologue dans l’association. Pour son administrateur délégué, Thomas Thirion, « la première cause de décès en cas de suicide, c’est un dépôt de bilan ».

Lors de la réunion, un travailleur indépendant qui a eu recours aux prestations d’Un pass dans l’impasse a témoigné: « J’étais traumatisé par le monde salarial à la suite d’un licenciement et en pleine procédure de conciliation avec un prestataire, qui se passait très mal. J’ai fait une menace de suicide dans un mail au tribunal. » « J’ai été mis en contact avec l’ASBL et les quatre séances de psy m’ont permis de dissocier le travail thérapeutique de la conciliation en cours. Le litige a finalement été clôturé et j’ai pu aller de l’avant », a poursuivi ce trentenaire œuvrant comme paysagiste. Depuis le 1er janvier, 369 faillites ont été prononcées et 1.513 emplois ont été perdus en Région bruxelloise.

Site internet: https://un-pass.be. Numéro de téléphone d’assistance : 0800.300.25, de 8h30 à 17h